Zama raconte l’histoire banale d’un personnage médiocre : fonctionnaire de la couronne d’Espagne dans une lointaine colonie d’Amérique latine au 18e siècle, le personnage éponyme passe le plus clair de son temps à essayer d’obtenir sa mutation pour Buenos Aires où l’attendent femme et enfants. Peinant à se faire reconnaître par sa hiérarchie ou apprécier par la poignée de notables qu’il fréquente, il s’enfonce peu à peu dans une sourde folie (et entraîne le film vers un psychédélisme discret). Sans grandiloquence aucune, le film parvient à raccrocher la petite histoire à la grande, peu avare qu’il est dans sa figuration des effets concrets de la colonisation des Amériques, de la traite négrière ou encore du basculement dans la modernité bureaucratique des États occidentaux. On pourrait retenir de l’impressionnante mise en scène un travail tout particulièrement passionnant sur la profondeur de champ, par lequel Martel agence dans un même plan une profusion d’éléments disparates et parfois conflictuels. Inévitable corollaire politique de cette profondeur de champ : la réalisatrice porte une attention toute particulière au fourmillement des esclaves qui rendent possible la vie matérielle de ces colons empotés. Scrutant les différentes couches de ses plans, Martel suggère une forme cinématographique à même de décrire les strates d’oppression sociale qui ont sédimentées sur les terres colonisées.
Texte du 13/11/24
DURÉE : 115 minutes
LANGUE : Espagnol
PAYS : Argentine, Brésil, Espagne, République dominicaine, France, Mexique, Portugal, Pays-Bas, Suisse, U.S.A., Liban