Christine, aspirante écrivaine à New York, travaille comme guichetière au Variety, un cinéma porno près de Times Square. Pendant ses pauses, elle se grille des clopes dans le hall au son des gémissements répétitifs qui scandent le film projeté dans la salle d’à côté. Parfois, elle s’y aventure. Loin de la rebuter, cet univers stimule son imagination. Des descriptions de scènes pornos surgissent de manière impromptue dans ses conversations sous la forme de logorrhées verbales mêlant préciosité du style et crudité du propos : une artiste en plein syndrome baudelairien de tu-m’as-donné-ta-boue-et-j’en-ai-fait-de-l’or ! C’est la plus belle opération de ce film merveilleux que de déplacer la représentation de la sexualité depuis les images codifiées de l’industrie exploitative du porno vers la parole du sujet qui les voit. C’est aussi une géniale idée esthétique : Bette Gordon filme la puissance érotique du verbe avec une intensité jouissive. Généreuse envers ses personnages et son environnement, la mise en scène est toute entière tournée vers l’écoute et la captation (des paroles, des gestes, des lumières, des bruits environnants). Généreuse envers ses spectateurs, elle laisse s’épanouir dans les silences, les ambiguïtés et la sobriété narrative le royaume de la suggestion et de l’équivoque où l’imagination est reine.