En 1966, si la République fédérale allemande est en pleine reconstruction, son industrie audiovisuelle, elle, est en crise. Et comme chaque problème économique appelle une solution clinquante, l’État ouvre une école de cinéma et la rend très sélective. Willy Brandt lui-même fait le déplacement pour l’inauguration, promettant à un parterre endimanché des diplômés dynamiques et organisés. Pas de bol : « Au lieu de se montrer digne d’une bourse, les étudiants les plus doués se révèlent être des rebelles gauchistes », dixit un reportage de l’époque. Le documentaire Une Jeunesse Allemande entreprend tout d’abord de raconter cette histoire-là. Le constat de départ : tout cinéma est politique. Jusque là rien de nouveau sous le soleil. Rien… jusqu’à ce que l’un des étudiants aille carrément jusqu’à rejoindre la Fraction armée rouge, organisation d’extrême gauche qui commit des actes de terrorisme dans les années 1970 et 1980. Des archives télévisuelles de l’époque (du plateau télé « débat de société » aux présentateurs sombres et moralisateurs) répondent alors aux expérimentations cinématographiques des étudiants. Si Une Jeunesse Allemande est un pur film de montage, Jean-Gabriel Périot ne se laisse pas pour autant effacer derrière ces images récupérées dont l’agencement seul suffit à faire récit. En saisissant la radicalité de cette période et en interrogeant le contenu politique d’images foisonnantes, il propulse le montage cinématographique au rang de modalité d’investigation historique.