Rares sont les moments où l’on sortira du grand magasin Neiman-Marcus à Dallas au cours de ce documentaire. Aucun risque de claustrophobie pourtant puisqu’un monde entier s’y loge : les zibelines de Leningrad, les pâtisseries françaises, les soutiens-gorge « importés » et les opales « sang de pigeon ». Pour naviguer ce magasin-monde, les clients n’ont qu’à emprunter l’un des ascenseurs, dont l’omniprésence est bien à propos pour un film tout en verticalité. En effet, The Store est fait de montées et de descentes, entre le sous-sol où les ouvriers réceptionnent les biens et les bureaux haut-perchés où les cadres enchaînent les réunions marketing, en passant par les étages du magasin où les « chefs de département » rapportent l’évangile managériale à leurs vendeurs dévoués. Le tout pour bichonner une clientèle bien campée, elle, en haut de l’échelle sociale et pour qui ce paradis de la consommation est l’antichambre de la vie quotidienne, entre bigoudis, manucures et essayages privés. En faisant du magasin de luxe une sorte de réduction de notre société globalisée et en montrant combien les logiques de rationalisation et de quête du profit structurent les relations qui s’y déploient, Wiseman nous offre une merveilleuse méditation politique dont la pertinence n’a pas pris une ride.