The Big Lebowski ne fait, pour ainsi dire, aucun sens. Et c’est tout à son honneur ! Délirant chef d’œuvre comique, ce pseudo-film policier met sens dessus dessous les concepts d’« indices », de « coupable » et même de « crime ». Le principe d’un récit qui avance est remplacé par une suite de variations autour de motifs, que le culte auquel le film à donné naissance n’a eu aucun mal à fétichiser : le bowling, le tapis persan dérobé, les « white Russians », l’orteil coupé, le peignoir… Au milieu de tout cela, un homme. Répondant à l’épithète massivement populaire outre-Atlantique de « Dude », il est une des plus formidables invention que le cinéma américain nous ait donné à voir (paradoxe d’un personnage à la fois totalement singulier et parfaitement banal). Lorsqu’un groupe de « nihilistes » le méprend pour quelqu’un d’autre, ce fainéant chevronné se retrouve propulsé dans une sombre histoire de kidnapping impliquant un millionnaire paraplégique et son épouse nymphomane, une peintre avant-gardiste, un producteur de films porno, un scénariste télé dans le coma ou encore un groupe de techno-pop allemande. En toile de fond : le début de la première Guerre du Golfe et les déclarations belliqueuses de George H. W. Bush entendues à la tévision et que le « Dude », véritable éponge humaine, va reprendre subrepticement dans ses dialogues. Sans crier gare, la comédie loufoque et déjantée s’autorise ainsi une passionnante et improbable méditation sur l’impérialisme américain et la manière dont celui-ci infuse jusqu’au dernier recoin de la société.