Que nous évoquent les films qu’on aime ? Pour Suspiria, c’est en premier lieu sa musique. Tonitruante, débordante et excessive. C’est un lieu commun que de décrire une bande-son comme un personnage à part entière. Mais difficile de faire autrement ici : dans ce récit horrifique (une jeune américaine qui débarque dans une académie de danse allemande où sévit un mystérieux assassin), on peine à savoir si on appréhende plus l’imminence d’un meurtre ou la simple irruption de la musique assourdissante. Fonctionnant selon un principe d’excès, voire carrément de contre-emploi, la partition sonore évite d’être dans la simple description de ce que l’on voit à l’écran (et donc d’en appauvrir l’effet). Il en va de même pour le reste de la mise en scène expressionniste de Dario Argento : lumières surréalistes, décors baroques, mouvements de caméra, abondance de faux sang rouge vif qui, s’ils relèvent aussi d’une certaine forme de débauche, ne cherchent pas à enfoncer toujours le même clou. Au contraire, l’occasionnelle discordance entre ces différents éléments nous met dans un état d’extrême vigilance devant le caractère insaisissable de ce qui se joue – n’est-ce pas là le terreau le plus fécond de l’horreur ?