Inévitable monument du septième art,
Vertigo est le portrait d’une obsession fait par un obsessionnel. Bardant le film, un véritable culte de cinéastes allant de Brian de Palma (qui le cite copieusement comme dans le bien-nommé
Obsession) à Chris Marker (qui s’entête à en retrouver les lieux de tournage dans
Sans Soleil). L’admiration de cinéphiles de tout poil pour le roi du suspens est amplement documentée, et cela au moins depuis que les jeunes critiques de la Nouvelle Vague se sont vus surnommer les
« Hitchcocko-Hawksiens ». Mais pourquoi se fait-il que la communauté ait jeté son dévolu sur cet Hitchcock-ci plutôt que sur un autre ? Sans doute est-ce justement parce qu’en traitant d’une obsession démesurée, « pygmalion-esque » (celle d’un homme qui cherche à faire advenir la réalité d’une amante disparue), le maniaque Hitchcock semble se dévoiler un peu malgré lui. En effet, le tourbillon dans lequel nous entraîne le délire plus-grand-que-nature de son personnage froisse sa froide mise en scène, la plonge dans des eaux plus troubles, plus intimes. Et Hitchcock, habituellement démiurge en sa demeure, semble dépassé par le monstre qu’il a lui-même créé. Vertige.