Pas facile de brosser un portrait de la haute noblesse sur le déclin. Certains cinéastes ont minutieusement décrit le faste et la sophistication de leur quotidien en voie de disparition, quitte à tomber dans une rance nostalgie. D’autres ont pris le partie de la farce, quitte à occulter ce qui suscitait la fascination. La merveilleuse idée du Salon de musique est de situer dans la sophistication-même du personnage principal le catalyseur de sa dégénérescence. Issu de la grande caste des zamindar bengali, Huzur Biswambhar Roy dilapide ce qui lui reste en ressources dans d’absurdes réceptions où bourgeois et notables du coin se retrouvent pour admirer les musiciens les plus en vue du moment. Ces soirées musicales sont pour leur hôte les dernières occasions de mettre en scène sa propre importance : arrivant le dernier, s’installant le plus confortablement et donnant le plus généreux pourboire. Tout en filmant longuement l’indéniable splendeur de ces événements, Satyajit Ray fait un pas de côté et nous rappelle que l’art n’a jamais été, pour ces gens-là, qu’un vulgaire moyen d’asseoir leur prestige.