Méfiance permise à l’idée d’un énième film sur un créateur et sa muse ! Voilà bien un poncif que l’on croyait usé jusqu’à la corde et dont la moindre variation supplémentaire donnerait envie d’oublier le cinéma et se remettre au sport. Mais Paul Thomas Anderson ne se glisse sagement dans les codes de ce genre suranné que pour mieux en saper les fondements (pour de bon, j’espère !). Le film raconte l’histoire d’un grand couturier londonien (irrésistiblement dénommé Reynolds Woodcock) qui cherche à faire de son amante, Alma, un objet mesurable sur lequel dresser une robe. À mesure que le récit se recentre sur elle, Alma bouscule l’ordre établi avec la même fausse naïveté qui permet au film de déjouer la partition attendue. Elle met sens dessus dessous le monde que le couturier s'est tissé et va jusqu'à faire de lui son objet à elle. De ce choc de titans, où chacun se fait tour à tour créateur et créature, s’engendre un nouveau monde, pervers, excentrique, beau.