Film

Un spectre fort sympathique hante le film policier français ; le spectre de la comédie barrée et burlesque. Aux avant-postes de ce renouvellement du film noir, les audacieux P’tit Quinquin, Tip Top, Au Poste ou encore Paul Sanchez Est Revenu ! prennent le contrepied du sensationnalisme habituellement impliqué par le genre. On y retrouve systématiquement, en guise de “codes”, les motifs de l’ennui à la gendarmerie, la maladresse des détectives, le surplace de l’enquête. L’atmosphère nocturne de la grande ville labyrinthique se voit quant à elle souvent troquée pour celle, diurne, d’une périphérie un peu morne. Ici : la terne commune des Arcs-sur-Argens dans le Var. Près de la gare, quelqu’un croit apercevoir Paul Sanchez, meurtrier de femme et enfants, volatilisé depuis 10 ans. Les policiers n’en croient pas un traître mot mais font néanmoins fuiter la nouvelle à un journaliste encombrant pour le discréditer. Seule Marion, jeune gendarme zélée et gaffeuse, décide de mener l’enquête au mépris des ordres de son supérieur. L’ambiance provoquée par le mélange de registres est renforcée par la musique cryptique de John Cale, et fournit le cadre d’une performance détonante de Laurent Lafitte : à la fois déterminé, perdu et inquiet, pour ne pas dire carrément schizophrène.
Un an après la sortie de ce film, le vrai emballement médiatique autour de la fausse arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès produira d’étonnants échos avec l’histoire de Paul Sanchez, illustrant combien tout bon film, même burlesque, contient l’intuition d’une prophétie.