Critique en bonne et due forme de la société des loisirs et de l’industrie du tourisme, Les naufragés de l’île de la tortue rend explicite le soubassement politique de toute l’œuvre de Rozier. L’idée de départ du film est simple et hilarante : deux collègues d’une agence de voyages proposent à des clients avides d’aventures un pack séjour qui, pour la modique somme de 3000 francs (un peu plus de 2000 euros actuels), donne droit à… pas grand-chose — sinon un billet pour une île déserte afin, disent-ils, de revivre l’expérience de Robinson Crusoé. C’est évidemment sans compter sur le fait qu’un client, même en quête de lâcher prise, veut être pris en main ! Rozier fait d’une histoire qu’on pourrait presque qualifier de « conventionnelle » une sorte d’allégorie de toute son œuvre, mettant en scène un groupe d’individus qui attend patiemment qu’il leur arrive quelque chose d’un temps soit peu marquant. Anti-spectaculaire jusqu’à l’os, le cinéaste s’attardera alors sur les divagations de cette équipée de bourgeois français sous les tropiques ayant commis le péché d’orgueil de penser leurs vacances comme une démonstration de bravoure et de témérité.