S’il y a un moment de l’histoire du cinéma dont la seule évocation ne manque jamais de faire frémir le cinéphile nostalgique, c’est bien le Nouvel Hollywood. Décrivant ces quelques années pendant lesquelles les réalisateurs les plus innovants de l’époque ont réussi à prendre les manettes des studios américains, le terme en est venu à symboliser des noces pleinement épanouies entre le capitalisme et l’Art avec un grand A. En cela, M*A*S*H fait office d’archétype : Palme d’Or, Oscar du meilleur film, immense succès au box office et chouchou absolu de la critique. Un tel raz-de-marée est en bonne partie dû au caractère irrésistiblement drôle du film : en pleine guerre de Corée, trois médecins très compétents mais franchement peu portés sur la discipline militaire cherchent à sauver des soldats tout en les détournant de leurs obligations guerrières. Mais le succès est aussi dû – et c’est là que ça devient passionnant – au fait que le film parvient à gagner sur presque tous les tableaux. Anti-impérialiste, il l’est indéniablement ; anti-patriotique, pas du tout. Au contraire même ! Nos héros sont admirables pour ce qu’ils ont d’américain, pour leur humour potache et inconséquent d’adolescents adultes, pour leur savoir-faire scientifique et leurs aptitudes au football et au golf. Cette américanité fièrement brandie n’est à aucun moment entachée par le caractère illégitime d’une guerre à laquelle ils participent malgré tout. Ainsi, le film devient emblématique d’une autre grande spécialité américaine : la critique du système qui s’épanouit pleinement dans celui-ci.