Sur le papier, c’est du Kafka à la sauce Western Union : à Dakar, Ibrahima reçoit un mandat pour 25 000 francs CFA mais se perd (et perd un peu de son âme) dans des méandres administratifs en cherchant à récupérer la somme. Là où les maux des personnages kafkaïens avaient pour origine l’absurdité du monde, le blâme est ici plus clairement dirigé. En effet, l’acharnement bureaucratique contre Ibrahima est le fruit d’une violente inadéquation entre une administration léguée par la puissance coloniale et les modes de vie d’une population locale. En mettant en scène d’anodins moments du quotidiens, le réalisateur court le risque de voir son style réduit à un simple « geste documentaire ». On n’acceptera ce qualificatif qu’à condition de s’entendre sur la portée éminemment politique d’une telle démarche, tant elle vise à pallier un flagrant déficit de représentation (il s’agit d’un des tous premiers longs métrages de fiction sub-sahariens et l’un des seuls en langue wolof). Pour opposer des modes de vie à la froide machine bureaucratique, déjà faut-il montrer que ceux-ci existent.