Derrière une volonté affichée de minimalisme se cache un des westerns les plus ambitieux de ces dernières années. Minimaliste, le film l’est tout d’abord par son format : au traditionnel panoramique qui épouse l’éternel horizontalité de l’Ouest américain, Reichardt préfère ici un format quasiment carré (le 1:33). De ce fait, la mise en scène troque l’action qui balaye l’écran pour un travail de portraitiste minutieux, sur-sollicitant les visages des personnages et documentant à foison leurs gestes. À l’instar de la plupart des films du genre, il s’agit d’un récit de fondation : trois familles partent vers l’Ouest dans l’espoir de trouver une nature abondante et de se l'approprier. Stephen Meek, un vieux briscard qui en a vu d’autres, leur sert de guide et les encourage au rythme des histoires qu’il raconte sur l’impressionnante fertilité du sol ouest-américain. Mais si l’histoire aussi feint le minimalisme, ce n’est que pour mieux nous surprendre par ses implications politiques. Lorsque les colons se perdent en chemin et que l’eau vient à manquer, la solidarité du groupe est mise à l’épreuve et le leadership de Meek s'effondre. Le film se mue alors en fascinante parabole de l'expérience américaine : l’insensée fuite en avant d’un groupe à la recherche d’une utopie qui est celle d’un pays tout entier.