Film

Disons le tout de suite : avec ses 4h15 mêlant scènes impressionnistes et dialogues souvent franchement inaudibles, le visionnage de L’amour fou relève autant de la partie de plaisir que de l’exploit sportif. Trésor caché de la Nouvelle vague, longtemps introuvable, le film de Jacques Rivette vient de bénéficier d’une restauration très attendue. Mais son sauvetage des limbes de l’argentique (le négatif original a été perdu dans un incendie) ne suffit heureusement pas à en dissiper le mystère. Comme son titre laisse penser, c’est l’histoire d’un couple : Claire et Sébastien. Elle est comédienne, lui metteur en scène avant-gardiste. Leur couple entame une période trouble lorsqu’elle décide soudainement de quitter la production d’une pièce qu’il met en scène. Jaloux, ennuyés, passionnels, ils s’aiment d’un amour fou, c’est-à-dire d’un amour qui ne ressemble que rarement à de l’amour. Bref, on ne sait jamais de quoi sera fait leur lendemain et, comme eux, le film est dispersé. Non pas dans le sens où le récit serait alambiqué ou tortueux : L’amour fou est formellement dispersé, dans le sens où chaque scène est à la recherche d’une forme différente, d’une idée de mise en scène nouvelle. Rebutant, exigeant, mais au bout du compte absolument épatant, cette absence de cohérence stylistique est le signe d’un cinéma qui, non content de répudier toutes les règles académiques, refuse obstinément de s’en imposer la moindre à lui-même.