John McCabe de Robert Altman appartient à la grande famille des westerns-qui-déconstruisent-le-western. Ici, le contrepied commence par les décors : évacuant totalement le désert et les grands espaces, Altman situe son film dans un petit coin de terre de la Colombie britannique qui n’est, il faut bien le dire, pas particulièrement beau. Niché entre des collines et d’immenses arbres, écrasé par la pluie et la neige, on s’y sent claustrophobe même en extérieur. On l’est encore plus dans le bordel et dans saloon où se déroule la majeure partie du film. Racontant la construction d’une nouvelle ville, John McCabe est un récit de fondation qui fait état d’un désenchantement immédiat. Le personnage éponyme nous est initialement présenté comme la figure charismatique et mystérieuse dont les westerns sont particulièrement friands — mais ce n’est que pour mieux révéler ensuite ses insécurités, sa lâcheté et sa veule insignifiance. Le grand rêve de la libre entreprise paraît tout d’abord être le moteur de cette ambitieuse fièvre constructrice — mais se retrouve rapidement récupéré et vidé de son contenu par des politiciens avides de pouvoir. Cinéaste effronté et méthodique, Altman dépeint les mythes sur lesquels les États-Unis se targuent d’être fondés et l’extrême fébrilité de leurs fondations.