En 1959, Alain Resnais traite les règles traditionnelles de la réalisation avec la fureur d’un promoteur immobilier bruxellois des années 60 : tout démolir pour reconstruire à neuf. Si l’expérience qui en découle est toujours aussi stupéfiante aujourd’hui c’est peut-être que le cinéma contemporain ne l’a jamais tout à fait rattrapé.
Aux côtés de son amant japonais à Hiroshima, une femme se remémore une affaire qu’elle a eu avec un soldat allemand pendant l’Occupation. Dans leur étude minutieuse de cet épanchement de la mémoire, Resnais et Marguerite Duras (à qui l'on doit le scénario) font feu de tout bois : objets et gestes les plus anodins sont l’occasion de raccords ahurissants avec le passé qui se faufile à travers toutes les fissures du présent. Si la mémoire est bien le moteur du film, ce sont les défaillances de celle-ci qui sont souvent à l’origine des moments des plus touchants. La linéarité narrative est dilapidée, au profit du cheminement sinueux de l'esprit – et la route est ouverte pour toutes les expérimentations de la Nouvelle Vague.