Film

Dans le sous-genre cinématographique fourni sur les dessous de la suburban middle-class américaine (ambiance « les choses ne sont pas aussi paisibles qu’elles semblent dans cette zone pavillonnaire »), Frangins malgré eux est sans aucun doute la proposition la plus démesurément burlesque. Dale (John C. Reilly) et Brennan (Will Ferrell), la quarantaine atteinte, refusent obstinément de grandir. Le mariage de la mère de l’un avec le père de l’autre en font des demi-frères et, incapables tous deux de quitter le nid familial, les force à partager une chambre. S’ensuit animosité, bagarres, interdictions de toucher aux affaires de chacun, farces sadiques. Puis réconciliation, hystérie somnambulique commune, conversion de leurs deux lits en un lit superposé, partage de BDs érotiques, complicité face aux parents. Le tout avec un génie comique du corps trop peu osé au cinéma. L’immense réussite de ce film (qui lui permet d’éviter tout surplomb moralisateur ou infantilisant) est que ces deux chenapans évoluent dans un monde lui-même totalement barré. Parents, voisins, frères, belle-famille… tous sont les sous-produits plus ou moins inquiétants de l’impérieuse normalité qui ordonne la société. De ce point de vue, ce n’est pas que nos demi-frères sont récalcitrants mais plutôt qu’ils ne sont pas dupes de ce grand cirque qu’est la vie quotidienne.
2008 marque aussi la sortie de Iron Man, première pierre du terrifiant et infantilisant édifice Marvel. Depuis, tout se passe comme si l'industrie hollywoodienne voyait dans cette figure ubuesque de l'enfant-adulte le cœur même de son public cible. Erreur tragique faisant fi de la belle leçon de Frangins malgré eux qu’il vaut mieux un cinéma qui ne prend pas au sérieux la société qu’un cinéma qui ne prend pas au sérieux ses spectateurs.