Le minimum syndical pour un film intitulé Faces ? Des visages en gros plan ! Et ça tombe bien puisqu’il en regorge. Non pas des gros plans par défaut pour cacher le manque de budget décors, façon téléfilm France 2, mais des gros plans vifs, saisis, “volés” par une caméra portée que rien ne peut immobiliser. Entre un jeu d’acteur brutalement naturaliste, un regard documentaire et un montage saccadé très “jazzy”, le réalisme du film est subverti par la mise en avant de son processus de fabrication. Ce geste n’est pas sans rappeler celui de Godard et compagnie quelques années plus tôt. Mais les expérimentations de la Nouvelle vague avaient poussé ses réalisateurs à quitter le studio au profit de grands espaces et d’extérieurs, de rues, de places, de gares, de campagnes et bien souvent de plages. Cassavetes, lui, enfouit son arsenal d’innovations dans des intérieurs (salons, bars et autres boudoirs – cadre par excellence du drame bourgeois !). Le résultat n’en est pas moins subjuguant. Telle une cocotte-minute, l’enfermement fait monter la pression et la température. Le calme cède à la furie, les rires à la dispute et les faux-semblants à la violence frontale. La frénésie avec laquelle ces banales scènes de la vie conjugale se muent en action est inouï. Même en intérieur feutré, Cassavetes étend les horizons de ce que peut être le cinéma.