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Film

Un Condamné à mort s'est échappé, Robert Bresson (1956)

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« Cette histoire est véritable. Je la donne comme elle est, sans ornements. » Pari réussi d’un cinéaste en pleine réinvention de son style depuis Journal d’un curé de campagne ; de son art même, qu’il appelait « cinématographe » par opposition au « cinéma », enfant illégitime du théâtre. Bresson, qui a lui-même été prisonnier d’un camp allemand, adapte ici l’autobiographie du résistant André Devigny, dont il reprend le titre. Double film de Résistance donc – dans son fond, mais surtout dans sa forme. Un condamné à mort est la confirmation du « système Bresson » : emploi de « modèles » à la place de comédiens professionnels, montage elliptique, gros plans sur les mains et les visages… la mise en scène est à la fois d’une simplicité désarmante et d’une rigueur mathématique, moins dans un souci d’austérité que d’essentialité. En cela, il affirme son originalité face aux films bavards, surchargés, incertains de la « qualité française » des années 50, fustigée par la bande de Truffaut. Bresson parvient au contraire à représenter la tension sans recourir à aucun effet de scénario ( Du rififi chez les hommes ), ni cruauté des images ( Le Salaire de la peur ). Si on devait décrire l’opposé absolu d’ Un condamné à mort , ce serait un film de John Huston écrit par Aurenche et Bost .

Bresson est sans doute aussi le premier cinéaste à avoir accordé au son une importance égale à l’image. Principalement composée de monologues intérieurs en voix off et d’un unique leitmotiv musical extra-diégétique, la bande sonore minimaliste pourrait donner l’impression d’une nostalgie ou fétichisation du muet. Il s’agit plutôt – là encore – pour lui de dépouiller au maximum son film, afin d’en renforcer la puissance suggestive. C’est justement cette puissance d’évocation qui fait qu’on a si souvent décrit le cinéma de Bresson comme spirituel voire transcendental. Sans que celui-ci ne cesse jamais d’être préoccupé avant tout par la physicalité des gestes qu’il met en scène. « Il faut que vous naissiez à nouveau, » dit le pasteur à Fontaine, le condamné à mort, citant l’évangile selon Saint-Jean. C’est son évasion, processus matériel minutieux et éprouvant, affirmation de sa (sur)vie et de son courage, qui lui permet d’atteindre cette re-naissance. Mais, continue l’évangile, « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. »

coup de coeur
Texte du 02/10/24
DURÉE : 99 minutes
LANGUE : Français, Allemand

PAYS : France
DISTRIBUTION : Les Acacias
Prochaines séances à Paris
Pas de séances prévues pour le moment
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Graphisme par claire malot.
Développement par jroitgrund.
« Pour le grand écran, pas la p'tite lucarne ! »