On le sait : au cinéma, il n’y a pas de frontière entre fiction et documentaire. On continue pourtant à opposer les deux jusqu’à tomber sur le film qui achève de rendre caduque cette distinction. Ainsi en va-t-il de Bushman de David Schickele, totalement inédit en France et ressuscité grâce au précieux travail de distribution de Malavida. Le film raconte les tribulations de Gabriel, jeune Nigérian qui s’installe à San Francisco après avoir fui la guerre civile dans son pays natal. Inutile de préciser qu’il n’y découvrira pas la grande terre d’accueil promise. Subissant un racisme à la fois débridé (« Les femmes de ton village se baladent les seins à l’air ? Ça te rend pas fou ? ») et insidieux (les progressistes qui fétichisent son corps et son étrangeté), Gabriel se rapproche de la communauté afro-américaine sans pour autant parvenir à s’y intégrer (« Tu ne sais pas parler noir » lui lance une femme avec qui il entretient une relation). Alternant entre scènes de la vie quotidienne et moments où Gabriel se livre face-caméra sur son enfance au Nigéria, le film se met au diapason de la mélancolie d’un exil devenu intérieur. Tout en demeurant un véritable brûlot politique dénonçant les conditions d’un accueil qui avait toujours été voué à l’échec.