À bout de course est l’histoire d'une famille hors du commun qui s’obstine à vivre normalement. Arthur et Annie Pope ont fait sauter un laboratoire de napalm en pleine guerre du Vietnam. Depuis, ils vivent en cavale avec leurs deux fils. Dès qu’ils sentent les FBI à leurs trousses, ils remballent tout, changent de ville, de noms, de boulots, d’école, de chien. Les enfants semblent s’être fait à cette drôle de routine et au rabougrissement drastique de leur cercle social à leurs seuls parents. Non sans une certaine ironie, l’activisme d’extrême-gauche d’Arthur et Annie les a mené à épouser une vie de famille radicalement mononucléaire, marqueur de la société bourgeoise. C’est cette tension qui permet à Lumet de recouvrer la dimension éminemment politique que le script évacuait a priori (l’histoire se déroule près de 20 ans après l’attentat). En voulant faire de la famille un lieu de radicalité, les parents se rendent compte que l’égoïsme constitutif à la défense d’un tel mode de vie s’accomplit au détriment de leurs enfants. Subtilement, Lumet interroge les fondements mêmes du mélodrame familial dans lequel son film s’inscrit pleinement.