Surréaliste de la première heure, Luis Buñuel est un grand démocrate du rêve. Il pense que les domaines de l’imaginaire et du monde physique accèdent au même degré de réalité et que le cinéma, peut-être plus que tout autre art, parvient à donner corps à cette croyance. Quel meilleur exemple que ce Belle de Jour qui s’offre à nous sous la forme d’un maillage subtil du véritable et de l’imaginaire ? L’imaginaire en question est celui de Séverine, jeune bourgeoise et femme au foyer, qui décide de se prostituer quelques jours par semaine, entre 14h et 17h, pendant que son mari travaille. Ouvrant des brèches à tout-va dans le récit, les fantasmes de Séverine sont d’autant plus saisissants qu’on y accède par des effets de montages assez simples (champ-contrechamp). Buñuel voit dans l’éveil sexuel de son personnage un acte absolu de création. En creux, il fait un procès en frigidité à son mari et au mode de vie bourgeois qu’il incarne. Situant la source de l’érotisme dans les histoires lubriques que Séverine met en scène dans sa tête, Buñuel nous suggère que l’engoncement bourgeois dans un mode de vie codifié entrave la passion qui est affaire d’imagination. Ce n’est en tout cas pas la censure subie par le film lors de sa sélection à Cannes qui lui aura donné tort !