On ne manquera pas de suspecter Werner Herzog d’une bonne dose d’ironie lorsqu’il sous-titra son chef d’œuvre de 1972 « La colère de Dieu » tant Dieu est résolument absent de ce film. En effet, l’expédition qui y est relatée, s’enfonçant au plus profond de la jungle amazonienne à la recherche de l’Eldorado, ne semble être condamnée par rien d’autre que son seul orgueil. Un orgueil humain, trop humain en somme. La colère dont il est question serait alors plutôt celle de Don Lope de Aguirre, sorte de conquistador totalement détraqué et obsédé par son rêve de richesse infinie. Pervers, hérétique et obstiné, Aguirre parviendra à imposer sa monstrueuse autorité à une équipée tâtonnante. Le tout sous le regard outré et pourtant profondément opportuniste d’un prêtre, lui-même mû par une véritable fièvre évangélisatrice de ces terres « sauvages ». Mi-documentaire ethnographique, mi-film psychédélique, Aguirre nous hante par l’inexorable logique qui sous-tend son récit : une fuite en avant vers la mort, au seul nom de l’exploit et de la cupidité. Tout autour, la nature, qui jamais au cinéma ne nous aura paru si profondément et violemment indifférente.