Qualité rare : Adieu Philippine donne l’impression de s’écrire sous nos yeux. Les dialogues sont improvisés, le scénario préfère le détour et la péripétie à la ligne droite narrative et le personnage principal est lui-même d’une spontanéité à toute épreuve. Machiniste à la télé et appelé à servir en Algérie, Michel est en effet tout aussi prompt à se payer des verres qu’une voiture avant de filer en Corse pour des vacances. Les adultes y voient de l'inconséquence et de l'égoïsme, et n’hésitent pas à le faire savoir. Mais Michel s’en fout. Tout semble possible au tournant des années 1960 et il compte bien en profiter, au mépris des anciens s’il le faut. Rozier lui-même ne fait pas autrement. A l’instar de ses camarades de la Nouvelle vague, il prend un malin plaisir à explorer les nouveaux possibles d’un cinéma alors en pleine transformation (technologique et esthétique), quitte à ce que les plans ne soient pas « propres », « académiques » ou « maîtrisés ». Ce faisant, il nous rappelle combien la Nouvelle vague était affaire de culot : le culot d’une bande de jeunes effrontés et sûrs d’eux. Artisanal et débordant d’audace, Adieu Philippine demeure l’une des plus belles incarnations de cette insolente fronde juvénile.