« À nos amours… » On pourrait imaginer la tentation d’un autre réalisateur un brin franchouillard d’y accoler sa suite logique : « à nos emmerdes ». Si Pialat y résiste, ce n’est sûrement pas pour dresser un portrait à l’eau de rose de la jeunesse au début des années 1980. Plutôt, il choisit de ne retenir de cette jeunesse que son insolent et naïf optimisme. Suzanne (Sandrine Bonnaire) traverse cette drôle de période de la vie où rien, au fond, n’est grave mais où tout, vraiment tout, semble l’être. Lycéenne, elle partage sa vie entre disputes de famille, premiers émois, premières amours, confessions légères et angoisses sincères. L’habituelle ascétisme de la mise en scène de Pialat (peu de musique ou d’effets caméra) et son penchant pour des dialogues improvisés vont à l’essence-même de la mélancolie de Suzanne. On dit souvent – assez paresseusement d’ailleurs – qu’un bon film parvient à « capter » ce qu’est la jeunesse. Si un tel qualificatif est toujours insuffisant, il l’est tout particulièrement ici. Le portrait que Pialat fait de l’adolescence tardive, un peu comme celui que Proust fit en son temps de la tendre enfance, semble quasiment relever de la révélation. C’est donc ça, être jeune ! Et tous autant que nous sommes à avoir traversé cette période de notre vie, il fallait qu’un singulier réalisateur auvergnat se chargeât de nous le montrer.